Regard croisé sur la prostituée en RDC

23 octobre 2015

Regard croisé sur la prostituée en RDC

La sexualité qui, hier, était un tabou, est aujourd’hui un problème d’actualité. Tout le monde en parle (enfants, jeunes, adultes et vieux), chacun essayant d’en dire ce qu’il peut et comme il peut. Il est donc opportun de se faire une opinion à la fois objective et adaptée sur ce problème.

 Saviez-vous que la prostitution constitue la troisième activité commerciale du monde, après la vente de drogues et le trafic d’armes. La prostitution est l’un des vieux métiers de l’humanité depuis des millénaires en dépit des efforts déployés pour tenter de l’extirper. A travers l’histoire de l’humanité, la prostitution a connu une évolution assez rapide tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Malgré la diversité de vues sur la prostitution, les problèmes qu’elle pose restent presque partout les mêmes : filles-mères, familles instables, maladies, avortements, enfants abandonnés…D’aucuns pensent, cependant, qu’il est injuste de ne voir que son mauvais côté et prétendent que le commerce de la chair peut avoir un côté positif. Aucun milieu n’est épargné par la prostitution, à la campagne comme en ville.

La femme qui fait de la prostitution en RDC est confrontée à différents contrôles, notamment le regard des autres qui la culpabilisent et la condamnent. Suite à cette stigmatisation, la femme prostituée s’identifie comme une personne déviante des normes sexuelles sociales, un processus qui la stigmatise.

Loin d’être des appareils électroniques, les Dos et Ventre Dehors (DVD) et les Ventres et Cuisses Dehors (VCD) sont des styles vestimentaires des prostituées congolaises.

La prostituée vue par les musiciens

 Nous allons tenter de dégager les traits caractéristiques des prostituées à travers cinq chansons des artistes musiciens congolais.

Dans la chanson ‘Mamou’ sotie au milieu des années 80, Franco Lwambo constate que, même les femmes mariées s’adonnent à la prostitution et les traits comportementaux y associés sont : la ruse, l’infidélité, le mensonge, l’impudicité, la cupidité et l’ignominie. La prostitution de la femme mariée est stigmatisée et condamnée dans la plupart des cultures congolaises, mais celle des femmes libres est encouragée, car, elle constitue une source de revenus des prostituées.

De son côté, Nyoka Longo et le Zaïko Langa-Langa, dans Amando remix de 1999, la prostitution est vue dans un angle d’une pratique qui n’honore pas, qui facilite la multiplication des candidats et ceci amène à l’infidélité que les hommes ne tolèrent pas.

Pour Soki vangu, Bella Bella dans la chanson Kalala (1974) la prostitution a un double visage. Elle est ignoble, mais elle est un métier qui a ses exigences psychologiques et physiques (prédisposition à la prostitution et visages charmants).

Tabu Ley dans « Mpo ngai ndumba » (1969), nous présente le portrait d’une femme prostituée stressée, violentée psychologiquement avec des pensées suicidaires. Il constate que les conditions de vie médiocres et les déceptions poussent certaines femmes à la prostitution.

L’examen de la chanson 77 X 7 (1999) de Nyoka Longo, nous permet de constater une fois de plus que la prostitution de la femme mariée est mal vue voire condamnée en milieu congolais. Elle a des conséquences fâcheuses aux prostituées et à toute la société. Elle fait disparaitre les vertus de la femme.

La chanson « Comme la rue » (1998) d’Emeneya à un support pédagogique, il compare la femme prostituée à une rue ouverte à tout le monde, avec toutes ses implications. Toute femme mariée qui s’adonne à la prostitution devient menteuse, infidèle, indigne.

Le poète Lorca dans son poème’ « la femme » disait : La femme et l’hymne secret qui fait danser les buissons, elle est crépuscule, la muse du poète et le thème de prédilection du musicien… Comme on le remarque la femme est une véritable source d’inspiration des écrivains, des artistes, des poètes et des musiciens. Des tous temps et en tous lieux, la femme a toujours retenu l’attention de l’homme pour qu’elle symbolise la pureté, la beauté, la perfection et la vertu.

Il n’est donc pas étonnant que la prostituée alimente les couplets et refrains de la musique congolaise. Du reste, la relation entre le musicien et cette catégorie de femmes est complexe.

Les musiciens congolais pour la plupart pratiquent l’art d’Orphée sans formation musicale particulière, simplement mus par leur passion ou leurs dons naturels, nous entendons ici leur prédisposition naturelle à la musique.

Leur thématique centrale est et reste la femme. Le chanteur français d’origine antillaise, Voulzy disait dans sa chanson « désir » : « toutes les chansons racontent la même histoire ; il y a toujours un garçon et une fille au désespoir … ».

Les diatribes des musiciens contre la femme prostituée ne seraient elles pas la conséquence d’un certain désespoir qu’ils endurent ? Ou est-ce plutôt une moralisation de la société au travers de la chanson ? Où carrément un règlement de compte envers une amante réticente ?

Prenons le cas d’Amando chanson dans laquelle, Nyoka pleurniche plus qu’il ne chante. Il dit en substance : « Ma bouche est fermée (paralysée) de jalousie et ma langue est amère. Impossible de m’adresser aux nombreux rivaux que tu m’as dénichés ».

Il s’agit plus d’un cri de désespoir que d’une chanson moralisatrice. La femme qui est ici dénigrée est une amante qui s’est sûrement lassée de son ex-soupirant.

Il sied cependant de souligner que les chansons quel qu’en soit le thème alimentent la nuit, les soirées chaudes dans les boîtes de nuit et sur les terrasses qui sont les territoires de chasse des prostituées. C’est grâce à ces chansons qu’elles aguichent leurs clients. Si pour le musicien, une chanson est un cri d’alarme ou un moyen de moraliser la société, pour la prostituée cependant c’est un outil ou mieux un stratagème de conquête d’hommes en quête d’aventure amoureuse sans lendemain.

Par ailleurs, une prostituée est une cliente par excellence d’œuvres musicales, une vraie consommatrice des chansons quel qu’en soit le thème. La preuve c’est sa présence massive, quasi envahissante aux concerts de Zaiko, de Wenge Musica, Koffi Olomide, Papa Wemba, Fally Ipupa et, à l’époque, aux shows de Franco Lwanbo, Tabu Ley, Grand Kallé, Nico Kasanda, Sosoliso, Bella Bella…

Nous affirmions plus haut que la relation musicien congolais-prostituée était complexe. De fait, il y a comme un rapport de force qui s’établit entre le musicien et la prostituée, mieux un abus de pouvoir de la part du musicien qui use du micro pour fustiger le comportement de celle-ci tandis qu’elle en retour le fait vivre en consommant ses œuvres. C’est une guerre quasi sentimentale qui s’est engagée depuis très longtemps entre l’homme(le musicien dans notre cas) et la gourgandine.

Il convient de noter que beaucoup de ces chansons ont comme source d’inspiration les faits de la vie quotidienne. Cependant le choix n’est pas désintéressé   voire innocent,   ni simplement dicté par un souci pédagogique.

Il est de notoriété publique que nos musiciens ne mènent pas une vie exemplaire sur le plan moral. Et pourtant ils s’érigent en défenseurs de la morale sociétale. Leur cible préférée est et demeure la femme et ce dans son mauvais rôle de femme.

Les prédatrices de budget

 La femme prostituée est vue à travers le prisme des préjugés sociaux, moraux , culturels et même religieux. Elle est à la fois dénigrée sur le plan moral mais aussi   socio-économique.

L’illustration parfaite en est faite par Koffi dans une de ses chansons. Il dit en substance : « Olingi mwasi kaka mbongo. Olingi mwasi pesa mbongo ya kolya, ya kolata, ya monzele nionso kaka mbongo na yo po balingi yooo… »

Traduisons : « si tu aimes une femme, il faut de l’argent. Si tu aimes une femme donne-lui de l’argent pour se nourrir, se vêtir et se faire belle… »

Nous nous rendons vite compte que la femme prostituée est non seulement une violeuse de morale mais une prédatrice de budget.

Noé Willer, un chanteur français, dans sa chanson Toi, femme publique entonne ce refrain : Femme publique, dans ta tête tu es pudique, femme publique, même si tu leur prends leur fric, femme publique, pour toi chaque homme est unique. Tu te donnes, tu te donnes, tu te vends. Cette chanson a été classée disque d’or en 1985.

Comme nous pourrons le constater, la gourgandine est déconsidérée même dans la société occidentale.

Il apparaît donc clairement que les musiciens congolais usent de toutes astuces pour décrier la prostitution en donnant à leurs paroles une valeur mieux une épaisseur pédagogique, didactique. Ils jouent le double jeu de sentinelle sociale mais aussi celui de pyromane de par leur vie débridée à la limite de la perversité.

Les prostituées congolaises considèrent la prostitution comme l’aboutissement d’un choix parmi plusieurs options possibles pour atteindre un niveau de vie acceptable. La prostitution évolue dans un contexte paradoxal : d’une part, elle est libre et s’exerce partout, elle est marquée par son caractère clandestin, caché et incontrôlable par le système pénal. D’autre part, elle s’en trouve isolée, marginalisée et ne bénéficie pas des droits communs parce que le cercle de la prostitution s’éloigne des aspects culturels de la République Démocratique du Congo. Aucune structure d’encadrement ni d’enregistrement n’est envisagée. Il n’existe pas de statistiques sur la prostitution en République Démocratique du Congo (R.D.C.) à cause surtout de son caractère clandestin.

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Commentaires

Anne-Marie Makombo
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Il n’existe pas de statistiques sur la prostitution en RDC, à cause aussi du manque d’intérêt des autorités sur cette problématique. Que dire de la pédophilie qui commence à prendre de l’ampleur en RDC ?