4 juin 2015

RDC, travail des enfants:témoignage de 30 enfants mineurs

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Cet article est le troisième d’une longue série des billets que nous consacrons au travail des enfants dans les mines des diamants au Kasaï-Oriental en RDC.

CAS N°9 : à Bakwa Bowa

Sexe    : Masculin

Age : 16 ans, 2ème enfant venant après une fille, dans une famille de 7 enfants.

Parents : orphelin de père, mère vivante restée dans la famille de son mari, non héritée par ses beaux-frères

Profession : (de la mère), agriculture (en saison de pluie) et les mines (en saison sèche) : Panaco, vendeuse de tous les produits vivriers sur les mines mais retourne au village.

Activités : creuser, transporter, tamiser surtout, aider les vieux s’ils me le demandent moyennant quelque chose (gravier ou m’acheter à manger).

Habitat : sa case dans la cour de son feu père en brique à dobe avec toiture en paille.

Scolarité : j’ai abandonné la fréquentation scolaire en 2010 lorsque le papa est décédé, j’étais déjà en 5ème primaire, car personne ne pouvait payer pour moi.

Stratégie : nous sommes une équipe de 5 personnes dont moi. Nous travaillons ensemble et nous vendons le produit de notre travail, nous nous partageons l’argent en parts égales. Nous n’avons pas de difficultés selon moi, car moi je suis honnête, je déclare tout ce qui passe par moi.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes… mais ici chez nous, on ne fait pas les « majimba » (trous de 1m de diamètre avec des galeries souterraines), on travaille dans les puits ouverts (mines à ciel ouvert). Donc, nous utilisons rarement les cordes.

Pénibilité du travail : c’est dur, c’est pénible, qu’est-ce qui n’est pas pénible ? Même ceux qui étudient, ils souffrent aussi ; ceux qui transportent les charges en ville, ils souffrent plus que nous.

Temps d’exposition : souvent c’est toute la journée sauf si on trouve un diamant qui peut nous permettre de vivre deux ou trois jours sans revenir dans la mine ; cela de 7ou 8 heures à 17heures environ 9 à 10 heures.

Circonstances d’arrivée dans les mines : « en vacances de 2008, il y avait des difficultés à la maison, maman me soufflera que les enfants de mon âge (10 ans à cette époque) se débrouillaient, je pouvais les suivre. Papa n’a pas refusé. J’y allais, mais je fréquentais l’école jusqu’en 2010 quand papa nous a quittés.

D’ailleurs, c’est quand papa est décédé que j’ai commencé à gagner un peu plus d’argent pour contribuer beaucoup dans la famille. Un de mes grands pères dit que c’est l’esprit de notre papa qui nous aide à avoir de l’argent pour notre survie.

Cas d’intempéries, on s’abrite quand il n’y a pas grand chose. Mais quand on travaille à un puits qui paye bien, pluie ou soleil, ça m’est égal. On peut travailler toute la journée voire toute la nuit, c’est l’objectif qui compte : gagner de l’argent.

Si on passe une journée sans argent (raté) : d’ailleurs on ne gagne pas l’argent tous les jours. On se contente même de 1.000FC (+1USD) voire (2.000Fc) équivalent de 2.15 USD au taux de 930FC/$, juste pour manger et revenir le jour suivant.

Violence : les attaques ne manquent pas. Si l’un de nous est attaqué, nous le défendons en généralisant la bagarre, cela pour nous faire respecter. Depuis, on nous connait et ça fait beaucoup de mois qu’on ne nous agresse plus. Les bagarres isolées ne manquent pas, bousculades, propos provocateurs, utilisation abusive des outils d’autrui sans permission, affaires des filles, voilà…

Sexualité : chacun de nous a déjà connu une fille ou une femme. Si tu ne le fais pas, les filles te provoquent, si tu veux faire le pasteur, tous les autres se moquent de toi, bon, on y va.

Alcool et drogue : je bois, je fume la cigarette à cause du froid, mais le chanvre non, car on dit qu’on peut devenir fou. Une fois, j’avais envoyé et j’ai senti que c’est très fort, j’ai juré de ne plus essayer.

Projet d’avenir : gagner de l’argent, devenir trafiquant, ou aller faire le commerce à Mbujimayi.

En cas d’échec de ce projet : on va faire comme tout le monde, chercher autre chose à faire, travailler même comme ouvrier quelque part ; on va toujours vivre. Dieu est un Dieu de merveilles.

Satisfait ? Oui. Ce travail paye papa. Quand ça paye, on oublie la souffrance…

CAS N°10 : à Bakwa Bowa

Sexe    : Masculin

Age : 14ans, 3ème d’une famille qui compte 6 enfants.

Parents : vivants, unis.

Profession du père : enseignant.

Activités : transport du gravier, tamisage, recherche.

Habitat : une petite maison en brique à dobe en tôles…

Scolarité : continue la scolarité et est en 5ème primaire (retard scolaire évident)

Stratégie : travail en groupe de 3.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité : c’est dur lorsqu’on se dispute le travail de transporteur et lorsqu’on transporte le gravier car c’est lourd, mais comme nous cherchons l’argent, on prend toujours plus.

Temps d’exposition : pour moi c’est 4 à 5 heures par jour comme je vais encore en classe. Sauf quand il y a un puits qui paye, là on s’absente de l’école et on travaille toute la journée. Il y a donc lieu de comprendre les raisons de son retard scolaire.

Circonstances d’arrivée dans les mines, « ici papa, tous les enfants de notre âge vont chercher l’argent dans les mines. Les parents sont tous d’accord y compris ceux des trafiquants. Si quelqu’un vous dit que des enfants ne vont pas aux mines, il vous trompe, peut-être les plus petits. Mais à 11, 12, 13 ans, faux ! A moins qu’il les mette à Mbujimayi mais pas ici ». (Influence de l’environnement).

Cas d’intempéries : nous nous abritons dans les hangars de restaurants ou chez les gens qu’on connait ou restent les négociants en cas de pluie.

Cas de raté : « on n’a pas l’argent tous les jours, surtout moi, je suis habitué car, je vais à l’école. Je mange chez mes parents. Quand je gagne l’argent, je donne aussi à mes parents. C’est pourquoi je n’ai pas de problème que je manque de l’argent ».

Violence : les mines de diamants sont un lieu de tout le monde, fous, bandits, fumeurs de chanvre, des gens bien… tout le monde. C’est pourquoi, il faut s’attendre à tout. J’ai déjà été giflé par un vieux qui voulait m’arracher mon tamis pour tamiser son gravier lorsque j’ai voulu résisté, il m’a giflé. Pourtant je n’étais en faute ! ».

Sexualité : « l’un d’entre nous fait ça mais moi pas encore. Papa insiste parce qu’il y a le SIDA, même chez les filles ».

Projet d’avenir : Etudier jusqu’à devenir même mécanicien pour travailler comme mécanicien quelque part.

En cas d’échec de ce projet : comment ? en cas de manque d’argent ou d’échec, si cela arrive, bon, je vais faire tout pour avoir l’argent et aller faire même le commerce en ville ou trouver un autre travail. Je vais lutter comme tout le monde.

Satisfait ? Oui. Si je n’étais pas satisfait, je ne pouvais pas venir ici.

CAS N°11 : à Bakwa Bowa

Sexe    : Féminin

Age : 12 ans, 2ème d’une famille de 4 enfants (le 5ème étant décédé)

Parents : Unis, père creuseur, mère vendeuse sur le site de « Dix Zaïres ».

Activités : transporter les produits que maman vend sur les mines, la laisser puis rentrer à la maison, avant le décès du cadet, elle gardait le bébé, les jours où elle était libre, ou pendant les vacances et les jours fériés.

Habitat : une maison en brique à dobes en tôles

Scolarité : élève inscrit régulièrement en 4ème année primaire.

Matériel : pas d’outils – travail d’appui à maman, pas de travail qui rapporte un revenu.

Pénibilité du travail : seulement lorsque ce que je transporte pèse, sinon, pas de pénibilité du tout.

Circonstances d’arrivée dans les mines : accompagner maman pour l’aider à transporter les produits alimentaires qu’elle vend.

Cas d’intempéries : Papa a construit pour maman un « mutanda » et pour lui-même lorsqu’il préfère rester quelques jours là-bas.

Violence : Je ne suis pas concernée par la violence à titre personnel, mais sinon, les gens se querellent voire en viennent aux mains, même pour un petit rien.

Sexualité : à mon âge ? Non, les grandes filles font mais moi, je n’y suis pas encore. Papa et maman disent que moi je dois étudier pour être comme les autres dames que nos voyons ou dont on entend parler se livrent à la prostitution.

Projet d’avenir : Etudier jusqu’à l’université si les moyens le permettent.

En cas d’échec de ce projet : on verra en ce moment là. Moi je vais étudier même déjà adulte, même mariée, je vais demander à mon mari de m’aider à réaliser mon rêve et celui de mes parents.

Es-tu satisfaite de venir rester dans ces milieux ? Les choses que je vois m’apportent la distraction, m’amusent, mais moi je suis élève.

CAS N°12 : à Bakwa Bowa

Sexe    : Masculin

Age : 16 ans, 1er d’une famille de 6 enfants

Parents : Unis, père négociant de diamants (mieux commissionnaire) et mère prépare ses beignets et les vend ainsi que les cacahouètes.

Activités : creuser, transporter (PANACO) le gravier, tamiser faire la recherche quand il n’y a pas une mine ouverte.

Scolarité : j’ai arrêté en 1ère année du secondaire en mai 2012.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité : creuser et transporter c’est un travail difficile, exigeant en force (énergie), mais les autres m’aiment parce que je suis fort malgré mon âge.

Temps d’exposition : quand il y a une mine à laquelle nous travaillons, c’est du matin au soir environ 8 à 9 heures. Quand il n’y a pas de puits, la recherche ou d’autres activités peuvent nous prendre un temps variable : 4, 5 ou 6 heures le cas échéant.

Circonstances d’arrivée dans les mines : les amis m’ont invité, je les ai suivis. Papa ne voulait pas, mais notre produit du premier jour c’est lui qui nous l’avait acheté à 18.500FC soit 20$ à l’époque (2011) ;

Il ne m’a pas empêché d’aller aux mines, puis j’ai pris goût, j’ai arrêté la fréquentation scolaire.

Cas d’intempéries : « nous nous abritons contre la pluie ;  mais, contre le froid et la chaleur on s’en fout ; c’est normal. On s’est déjà « blindé » c’est-à-dire que chacun a déjà pris un stimulant de son choix : café, thé, super, « Cok » (chanvre indien), on ne sent plus rien, le boulot marche.

Violence : Tels que nous sommes-là, nous constituons une armée. Personne ne peut se jouer de nous. Nous sommes prêts à tout, même prendre quelqu’un le jeter dans la rivière, quand on touche à nos intérêts nous faisons une bagarre généralisée. En tout cas, on nous craint, notre groupe quoi !. C’est le seul moyen de nous protéger »

Sexualité : comme je marche avec des gens plus âgés que moi, ils m’ont entraîné, c’est depuis une année que j’ai connu une fille. Depuis lors, bon quand l’occasion se présente, je fais.

Et les stupéfiants : « je prends tout (c’est-à-dire y compris le chanvre). Moi, ça me donne la force de travailler, je ne provoque pas les gens, mais si on me provoque, je réagis du tic au tac ».

Projet d’avenir : creuser le diamant, si la chance me sourit, j’ai l’argent, je deviens « Boss ».

En cas d’échec de ce projet : nous irons partout où il y a du diamant, nous finirons par avoir l’argent pour commencer une affaire. Nous, on n’accepte pas la défaite. Nous lutterons toujours. Un jour vous aurez de nos nouvelles.

Satisfait ? Très satisfait. Il nous arrive de gagner de l’argent.

CAS N°13 : à BOYA

Sexe    : Masculin

Age : 13 ans, aîné d’une famille de 2 enfants.

Parents : Unis, père creuseur, polygame, avec mère vendeuse des poissons fumés au marché de Boya.

Activités : tamisage.

Scolarité : il continue à fréquenter l’école, mais accuse un véritable retard scolaire (5ème primaire)

Matériel : bêche, sacs, tamis.

Pénibilité du travail : Pas trop pénible, tamiser fait mal, car on est incliné si on a beaucoup de gravier. Mais comme nous y allons souvent à 3, on alterne dès que l’un est fatigué, l’autre le relaye.

Circonstances d’arrivée dans les mines : Mes amis m’ont invité. Un jour quand j’étais renvoyé de la classe pour n’avoir pas payé les frais scolaires.

Cas d’intempéries : ici, comme vous le voyez, il n’y a pas d’abris, quand il pleut, nous sommes mouillés, le soleil et le froid c’est notre lot quotidien. Il suffit « de porter le chapeau » c’est-à-dire boire une boisson très forte ou fumer le K.O. (chanvre indien), on ne sent ni chaleur ni froid.

Violence : moi je n’aime pas me bagarrer. Chaque fois que les autres nous provoquent, je préfère me retirer et je vois que ça va, on finit par s’entendre. Mais les fumeurs de chanvre se battent sans réserve.

Sexualité : A mon âge, c’est s’attirer la malchance. Ce sont des affaires des gens plus grands que moi. Je sais que de nombreux jeunes s’y essaient (filles et garçons) mais moi, je ne m’intéresse pas à ces choses là maintenant.

Projet d’avenir : travailler, avoir l’argent, payer  mes études, terminer et devenir un haut fonctionnaire, un homme politique. Mais jusqu’à présent ça va, car je trouve l’argent et je paye.

En cas d’échec de ce projet : si je n’arrive pas à le réaliser, je vais faire les affaires : commerce ou négoce du diamant.

 CAS N°14 : à Boya

Sexe    : Masculin

Age : 17ans.

Parents : décédés tous les deux

Je reste avec ma grand-mère maternelle chez qui j’ai évolué pendant les cinq dernières années.

Activités : creuser, transporter le gravier, voire tamiser, faire la recherche…

Scolarité : abandon scolaire à 13ans  (depuis 2010) en 5ème primaire.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité du travail: c’est dur, pénible, mais c’est comme ça avec tous les travaux manuels. Mais c’est rien quand ça paye.

Circonstances d’arrivée dans les mines : j’avais encore 10 ans, j’accompagnais mon grand frère que j’aidais, c’est lui qui m’a appris à travailler comme aide : fais ceci, je fais ; prends cela, je prends, etc. Puis, j’ai appris à tamiser, à transporter le gravier et maintenant je participe à toutes les activités de la chaîne de production, du cadrage d’un puits au piquage du diamant et à la vente.

Stratégie : travail en équipe. Nous respectons les règlements dans les mines comme je ne suis pas originaire, j’évite des problèmes. Je me fais toujours serviable.

Temps d’exposition : ce n’est pas tous les jours parce qu’il y a des jours où nous ne venons pas aux mines, nous nous reposons à la maison. En général nous mettons 8 à 9heures/jour.

Cas d’intempéries : Ah, s’il pleut on se mouille, il n’y a pas d’endroit où nous abriter. Contre le froid et le soleil, les uns fument, les autres boivent du « super ». Moi…moi, je suis aussi un homme, seulement moi je ne fume pas, je  prends un peu d’alcool « 500 » ou « super » pour me réchauffer le corps.

Violence : avant c’était régulier. Mais ce dernier temps avec le ralentissement des activités, les bagarres sont devenues rares. Beaucoup de conflits éclatent toujours entre les gens qui se cherchent, qui ont un antécédent fâcheux. Personnellement j’évite des problèmes comme je ne suis pas d’ici.

Sexualité : ici, même les pasteurs tombent toujours. Même si tu n’avais pas ça en tête, le fait de vivre ici, boire, côtoyer ces milieux, on finit par avoir une femme ou une fille. Je ne peux pas mentir, j’en connais 3 ou 4 car il n’y a pas moyen de se fixer sur une seule. Ceux qui ont de l’argent vous l’arrachent et vous commencez à vous faire des soucis.

Projet d’avenir : je prie Dieu pour qu’il me vienne en aide afin que je gagne un montant important d’argent et que j’aille faire le commerce ou chercher quelque chose à faire car le diamant est en train de s’épuiser.

En cas d’échec de ce projet : là nous verrons toujours ce qu’il faut faire, même les champs pour vivre on peut faire. Déjà maintenant, il y a des jours où j’accompagne ma grand-mère au champ car, en plus de ce que je lui donne, nous vivons les produits de son champ.

Satisfait ? Oui. Pourquoi pas.

CAS n°15: à Boya

Sexe    : Masculin

Age : 15 ans.

Parents : Unis, Père tenancier d’une boutique autour du marché. Maman est une bouchère (vend le caprin)

Activités : creuser, transporter le gravier, voire tamiser, faire la recherche…

Scolarité : Abandon scolaire en 6ème primaire, il y a deux ans.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité : c’est un travail dur, exigeant beaucoup d’endurance, un faible se casse et fuit. Nous autres, nous nous sommes adaptés parce que nous suivons le rythme des vieux ; c’est-à-dire un temps. Un temps ce qui veut dire tout ce qu’ils font, moi je fais comme eux (en détails travailler à leur rythme, boire, fumer se blinder comme eux…).

Stratégie : Nous sommes un groupe de 7 garçons entre 15 et 21 ans pour attaquer un trou nouveau, travailler  jusqu’au bout. Mais les travaux de tamisage, de recherche, là deux ou trois d’entre nous s’entendent et font le boulot.

Temps d’exposition au travail : généralement c’est de 8 à 17 heures (9 heures de travail).

Circonstance dans lesquelles vous avez commencé : des cousins avaient un puits, ils sortaient déjà le gravier. Ils m’ont invité (11ans) à aller profiter en me faisant aussi transporteur. J’ai accepté, ni papa, ni maman, personne ne s’y était opposé car lorsqu’ils me parlaient c’était chez nous et en leur présence.  Je suis parti, j’ai eu l’argent (31.000FC soit l’équivalent de 33.69 USD au taux de 920 FC/$USD). J’ai donné à papa tout. C’est comme ça que j’ai pris goût et quand il y a eu une importante activité pendant l’année scolaire, j’ai préféré aller aux mines…

Cas d’intempéries : Ici, il n’y a pas moyen de s’abriter, on sort du trou et on se mouille. Si on n’a pas eu le temps de rentrer à la maison. Le boulot ou quelque chose d’autre peut réchauffer le corps, vous ne sentez rien.

Violence : si je suis seul, je peux éviter la bagarre. Mais si l’équipe est au complet, nous sommes prêts à tout. On se bat, on nous arrête, nous payons les amendes, la vie continue.

Quand vous manquez l’argent : là, je vais chez mes parents manger, car je n’ai pas encore quitté complètement mes parents. Je dors avec les amis, nous travaillons avec eux, mais chacun est censé être encore chez ses parents ou ses relations.

Sexualité : ce sont des choses que je ne faisais pas, mais il y a seulement 2 mois, l’un des vieux avec qui je travaille m’y a entraîné en créant une occasion après m’avoir acheté l’alcool (super). J’avais toujours horreur lorsque j’entendais dire : « le SIDA tue beaucoup » et passe par les rapports sexuels, quand j’ai fait ça, je suis resté me condamner car je n’avais pas porté la capote.

Projet d’avenir : Ici chez nous, il y a encore beaucoup de diamants. Notre malheur c’est la société des chinois qui vient nous bloquer en prenant une grande concession, nous empêchant d’évoluer à l’aise. Mon projet à moi c’est d’avoir beaucoup d’argent, devenir un grand boss.

En cas d’échec de ce projet : Ah là, on va même se faire engager chez les chinois, l’essentiel étant que ma famille que je vais fonder trouve à manger. Même là, dès qu’une occasion s’offre, je pique et je m’en vais faire des affaires.

Satisfait ? Oui, mais, où est-ce qu’il y a mieux ?

CAS N°16 : à Boya

Sexe    : Masculin

Age : 12 ans.

Parents : unis, 2ème enfant d’une famille de 5 enfants vivants. Il vient après une fille (aînée).

Professions parents : creuseur (papa), ménagère (maman) mais fait un peu de tout : champ, Panaco, vente feuille de manioc et aubergines…

Habitat : une case en tôle à 3 pièces

Activités : Aider, ramasser, transporter, tamiser, faire la recherche…

Scolarité : Continue en 5ème primaire.

Matériel : sacs, tamis, cordes…

Pénibilité du travail : le travail d’extraction, ce sont mes oncles qui le font. Moi je viens seulement comme aide, pour apporter ceci ou cela et pour ramasser les outils, le gravier tombé.

Circonstances d’arrivée dans les mines : papa ne m’avait jamais demandé de l’accompagner au diamant. Ce sont mes oncles et quand ils m’ont amené, papa n’avait pas refusé. Il a dit seulement : « même si tu ne vas pas dans les mines, ce n’est pas une fin pour toi. Tu dois continuer à aller à l’école. Comme j’étais le 3ème de ma classe en 4ème année,…mes parents m’encouragent toujours à étudier.

Stratégie : Je suis dans le groupe de mes oncles (petits frères de mon père et de ma mère respectivement âgés de 19ans et de 17 ans).

Cas d’intempéries : En cas de pluie, on est mouillé, on se réchauffe, on continue le boulot et les habits sèchent.

Froid et chaleur sont notre lot quotidien, nous ne nous en préoccupons pas beaucoup.

Violence : moi je ne me bats pas, même si je suis l’objet de provocation, mes oncles interviennent. Si papa est dans la même mine, il monte le ton et je suis tranquille.

Quand vous ne gagnez rien dans une journée : ça arrive souvent. Je rentre seulement chez nous, je vais manger ce que mes parents ont trouvé pour nous. Car moi je gagne quelque chose, je remets à papa ou à maman, je garde seulement un peu pour les ciné-vidéo, ou pour l’un ou l’autre objet classique.

Sexualité : Rien, c’est pour les païens. A mon âge, c’est que je suis envoûté !

Projet d’avenir : étudier, devenir médecin ou un infirmier, bref travailler à l’hôpital.

En cas d’échec de ce projet : « Non, papa va payer, même mes oncles vont m’aider par tous les moyens. D’ailleurs, ils disent qu’ils feront tout pour me soutenir comme je suis intelligent en classe ».

Et si vous gagnez beaucoup d’argent, vous n’allez pas abandonner ? « Non, je donne à papa qui fait le commerce, et avec ça je vais étudier pour devenir un homme instruit…».

Satisfait ? Oui, l’ambiance générale est bonne.

CAS N°17 : à Luamuela

Sexe    : Masculin

Age : 17ans, 1er d’une famille de 8 enfants.

Parents : cultivateur, avec maman vendeuse des poissons fumés et salés au marché.

Activités : creuser, transporter le gravier, voire tamiser, faire la recherche…

Scolarité : abandon en première année du secondaire par manque de frais scolaires.

Habitat : une case en briques à dobe et en paille.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité : le travail d’exploitation artisanale de diamants est toujours un travail pénible, laborieux. Mais si quelqu’un ne veut pas le faire, il n’aura rien.

Circonstances d’arrivée dans les mines : j’ai commencé à aller dans les mines sur invitation des mes amis et avec encouragements de ma mère, j’avais alors 11ans. Puis j’ai pris goût tout en allant à l’école.

Stratégie : nous sommes un groupe de trois amis, mais il nous arrive d’élargir le groupe à d’autres jeunes si le travail l’exige.

Temps d’exposition : entre 8 et 9 heures par jour mais pas  nécessairement chaque jour.

Cas d’intempéries : Si on est sur un puits et qu’il y a pluie, nous suspendons les travaux pour nous abriter dans les hangars de resto puis nous voyons s’il faut continuer ou arrêter. Le froid et la chaleur ne constituent aucunement un empêchement pour travailler. Les produits efficaces sont là pour changer tout ça en beau temps.

Violence : ça dépend. Si ce sont des catcheurs, là nous fuyons car personne ne leur résiste. Mais les jeunes de notre âge, nous nous battons, advienne que pourra. Mais la provocation provient souvent des produits dont j’ai parlé plus haut (alcool « super », chanvre, diazépam…) ou d’un langage déplacé, de mépris…

En cas de raté : si on a rien, on rentre bredouille mais le jour suivant nous revenons. C’est comme ça non, est-ce que papa, vous qui travaillez, on vous paye chaque jour. C’est seulement à la fin du mois. C’est comme nous aussi ; un jour nous gagnons, l’autre nous ratons.

Sexualité : Ici, c’est rare de trouver quelqu’un de notre âge qui gagne l’argent et qui ne connait pas les femmes, car le décor est planté pour ça. Les grandes nous y poussent, les filles qui ont commencé la prostitution très tôt nous y poussent. Ici même les hommes d’églises succombent.

Projet d’avenir : gagner l’argent, devenir un grand boss. Dans la vie, ce qui compte c’est d’avoir des moyens, ce qui me dépasse sera fait pour moi par les personnes instruites que je vais engager.

En cas d’échec de ce projet : on verra en ce moment là qu’est-ce qui est économiquement bénéfique. On va se réorienter. On fera comme tout le monde.

Satisfait ? Oui. Ce boulot est une planche de salut pour nous.

CAS N°18 : à Luamuela

Sexe    : Masculin

Age : 16 ans, 5ème d’une famille de 11 (m. polygamie).

Parents : décédés tous les deux.

Habitat : Je suis chez les amis, nous sommes avec celui qui vient de parler avec vous c’est-à-dire le cas n°17.

Activités : creuser, transporter le gravier, voire tamiser, faire la recherche…

Scolarité : abandon scolaire à 13ans  (depuis 2010) en 5ème primaire.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mines, cordes…

Pénibilité : c’est un travail dur et à risque d’accident ; c’est pourquoi les gens disent que nous fumons le chanvre, nous le faisons pour avoir la force de travailler longtemps sans nous fatiguer, mais aussi c’est pour faire face à toutes les éventualités. C’est un travail qu’il ne faut pas faire avec la logique, celle des gens comme vous là. Non. Nous c’est un temps, un temps !

Circonstances d’arrivée dans les mines : j’ai grandi orphelin pratiquement, dès l’âge de 10 ans, la solution pour moi était d’aller dans les mines. Je ne me rappelle même pas comment.

Stratégie : Nous sommes une équipe de 3 amis mais nous pouvons nous associer à d’autres, si le travail l’exige.

Temps d’exposition : 7 à 8 heures par jour ceci varie d’un jour à l’autre.

Cas d’intempéries : nous allons nous abriter sous les hangars de resto en cas de pluie, mais le soleil et froid sont notre nourriture quotidienne. On travaille sous le soleil accablant et même sous le froid glacial.

Violence : En foot, on dit que la meilleure défense c’est l’attaque. Pour défendre ses intérêts et soi-même, il faut accepter de se battre, on ne peut rien gagner en diamant sans témérité, c’est pourquoi « nous on boit », « on fume » même le chanvre, « on se bat », voilà la logique que beaucoup comprennent ici.

En cas de raté : manque d’argent, éboulement…. On accepte et on recommence le jour même ou le jour suivant partout il y a des difficultés.

Sexualité : ça fait partie de la vie ici. Le climat, l’atmosphère, l’ambiance générale amène toujours des jeunes gens à le faire ; bon moi aussi.

Projet d’avenir : Moi c’est mon travail, je n’ai pas étudié, je suis orphelin, c’est ça mon emploi. Je vis du diamant. Je prie seulement que Dieu me bénisse afin de ramasser une grosse pierre (un gros diamant), pouf ! C’est parti, je deviens homme d’affaire.

Satisfait ? Oui.

En cas d’échec de ce projet : Nous vivrons comme tout le monde, même cultivé si c’est ce qu’il faut faire, je le ferai. J’ai la force de travailler partout.

 CAS N°19 : à Luamuela

 Sexe    : Masculin

Age : 13 ans, 1er d’une famille qui compte 6 enfants dont deux chez la marâtre.

Parents : Divorcés : enfant resté avec le père ; à 10 ans, la marâtre commence à le maltraiter, il y a deux ans, il a commencé à fréquenter les mines.

Activités : transport de gravier, tamisage, recherche.

Habitat : une petite maison en brique à dobe et en tôle, à deux pièces.

Scolarité : Abandonné depuis l’année passée (à 12 ans) en 5ème primaire.

Stratégie : travail à 2 ou à 3. Nous dormons chez notre ami qui a son petit palais dans la cour de ses parents

Matériel : bêche, sacs, tamis.

Pénibilité du travail : c’est le transport qui est dur, car le gravier, on le lave, on le pèse, et après, il faut transporter une grande quantité pour être bien rémunéré. C’est ce qui rend la tâche lourde et pénible. Mais si quelqu’un veut transporter peu c’est son problème, il sera payé peu.

Temps d’exposition : on va le matin et on revient le soir c’est-à-dire de 8 heures à 17 heures (8 à 9heures). Mais pas tous les jours. D’autres jours, nous revenons vers 13 heures ou 14 heures.

Circonstances d’arrivée dans les mines : Ici à Luamuela quand vous voyez les enfants de votre âge aller aux mines, en revenir avec l’argent, ils achètent des petites choses, payent pour entrer dans les ciné-vidéos, vous êtes aussi poussé à y aller. Les enfants du quartier avec qui nous vivons m’y ont invité. Je n’ai pas hésité. Il y a deux ans que je viens dans les mines.

Cas d’intempéries, on se cache ou on s’abrite dans des hangars des mamans qui vendent les aliments (restaurants) ou des négociants.

En cas de ratés (manque d’argent, accident…) : quand on manque, on rentre. Si nous avons vraiment tout raté, nous demandons même un peu d’argent à nos vieux à qui nous vendons le diamant. Ils nous aident souvent comme ça. Même malade sans argent, je demande à un boss, 500FC j’achète les médicaments, je prends.

Cas de violence : les plus forts dérangent les gens. Les plus grands se battent, mais moi je me retire toujours parce qu’un jour un vieux m’avait giflé, personne ne m’avait défendu.

Sexualité : non, moi je n’ai pas encore fait ces choses là. A mon âge ci, je ne peux pas fumer même le chanvre que les autres prennent, moi je n’ai pas encore essayé.

Projet d’avenir : Moi, je désire avoir de l’argent, acheter des articles d’alimentation et commencer petit à petit mon commerce pour avoir beaucoup d’argent comme «  Petit Beyard ».

En cas d’échec de ce projet : Si Dieu le veut, je vais réussir. Si ce n’est pas la volonté de Dieu, ah, je serai cultivateur, aller même à la police. De toute façon, nous trouverons toujours quelque chose à faire.

Satisfait ? Très satisfait. Que puis-je faire d’autre ?

CAS N°20 : à Luamuela

 Sexe    : Masculin

Age : 16 ans, orphelin de père, 2ème après une fille dans un ménage qui en compte 7.

Parents : Père décédé, mère vendeuse des produits vivriers sur le marché de Luamuela et parfois dans les mines.

Activités : creuser, transporter, tamiser, recherche…, toutes les activités de la chaîne de production. Si on ne fait pas ça, on chôme.

Habitat : précaire, petite maison en brique à dobe et en tôle.

Scolarité : Abandon scolaire, il y a 4 ans coïncidant avec le décès de son père, c’est-à-dire qu’après le deuil, il n’est plus allé à l’école alors qu’il était en 5ème primaire.

Stratégie : Nous sommes un groupe de 4 amis. Nous travaillons en respectant les règles du métier pour éviter des problèmes inutiles avec les chefs du village ou son comité de mines.

Matériel : bêche, sacs, tamis, barre à mine, cordes, machette, etc.

Pénibilité du travail : exploiter une mine est toujours pénible. C’est le prix que nous payons pour avoir l’argent, il glisse l’adage luba qui dit « bilengela mbiasa mu nkelenda » littéralement «  le bonheur est placé au milieu des épines » ou mieux encore, « il n’y a pas de rose sans épines ».

Temps d’exposition : on travaille par jour ; ça varie mais le boulot se fait entre 8 et 10 heures avec repos pour manger si on a un peu d’argent.

Circonstances d’entrée dans les mines : Du vivant de papa, je partais déjà pour aider les plus âgés pour ramasser de petites quantités de graviers, voire pour transporter. Ce sont des amis du quartier déjà expérimentés qui m’ont invité et personne ne s’y était opposé.

J’avais 10ans/11ans. Après la mort de papa, j’ai abandonné l’école et je suis devenu creuseur…

Cas d’intempéries : en cas de pluie, nous nous abritons dans les hangars des négociants ou des restaurants. Souvent ça ne suffit pas, bon si on n’a pas trouvé un bon refuge, on se mouille, quitte à se réchauffer avec le café, l’alcool super ou du whisky ou encore de la cigarette voire du chanvre.

En cas de ratés (manque d’argent, accident): si on manque, on travaille sans rien gagner, c’est le cas souvent, nous n’en faisons pas un problème. Même les commerçants au marché rentrent parfois bredouille non ! Ça arrive, nous acceptons et revenons le jour suivant. Papa si nous ne creusons pas le diamant, nous allons faire quoi d’autres ? Avant les gens étudiaient pour aller travailler à la MIBA. Aujourd’hui, la MIBA est en faillite, nous autres nous nous occupons en faisant ce travail.

Cas de violence : Ici si vous êtes gentil, on va vous marcher sur les pieds. Nous veillons seulement à ce que nous ayons raison dans le conflit. Si nous sommes sûrs que la raison est de notre côté, nous nous battons jusqu’à se fatiguer ». C’est comme ça que nous pouvons faire une semaine de travail sans problème. Sinon, n’importe qui peut toujours venir vous provoquer pour vous amener à la bagarre.

Sexualité : je ne peux pas vous mentir. J’ai même une fille qui m’aime beaucoup. Elle est ma femme. Je pouvais même espérer l’épouser mais si vous épousez une femme que vous avez rencontrée dans ces conditions,…

Projet d’avenir : creuser le diamant, s’il n’y a plus beaucoup ici, nous irons là où il y en a encore pour avoir de l’argent, commencer le trafic, le négoce ou se convertir en une autre activité, même commerciale…si j’avais continué avec les études, là je pouvais aller travailler dans une société ou chez l’Etat.

En cas d’échec de ce projet : au cas où je ne réussis pas ce rêve, je trouverai toujours autre chose à faire, même devenir chauffeur Moto, ou chauffeur tout court.

Satisfait ? Moi ce travail remplace mon père. S’il n’y avait pas de diamants, nous autres, nous allions faire quoi ?

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