28 mai 2015

RDC, travail des enfants: témoignage de 30 enfants mineurs

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Cet article est le deuxième d’une longue série des billets que nous consacrons au travail des enfants dans les mines des diamants au Kasaï-Oriental en RDC.
CAS N°4 : à Mbujimayi Bena Kabongo + Bena Mabika
Sexe : Masculin
Age : 12 ans, 3ème d’une famille de 5 enfants, il fréquente les mines de diamants pour aider les parents et payer à l’école…
Parents : unis (père creuseur de diamants, mère vendeuse d’eau et/ou de pains)
Habitat : une maison en briques à dobe et tôles.
Activités : transport de gravier (PANACO) et aide-tamiseur
Stratégie : travail en groupe de 3 y compris son frère aîné.
Position : 3ème en famille, membre de l’équipe de travail.
Outillage : Sacs en raphia, bêche, petit seau de 10 livres en plastique.
Pénibilité du travail : le travail est dur, seulement lorsque nous voulons transporter des charges lourdes de gravier pour pouvoir être payé quelque chose de consistant.
Temps d’exposition : ça varie d’un jour à l’autre. Lorsqu’il y a un puits qui paye, nous travaillons toute la journée. Mais si c’est la débrouille, nous faisons la recherche ou les « bikumbakumba ».
En cas d’intempéries, des ratés, du manque d’argent : nous nous abritons comme tout le monde sous des hangars qui servent de restaurants, d’autres vont sous les stands des négociants. Parfois on se chauffe au feu en cas de froid.
En cas de violence : il faut réagir sinon on va vous malmener ici. On respecte seulement ceux qui sont forts. Nous autres, nous vivons grâce à Dieu. Lorsque des mauvais garçons fumeurs de chanvre arrivent ici, ils veulent gagner l’argent en arrachant les vivres aux restaurants, les graviers surtout aux plus petits que nous sommes.
Projet, perspective d’avenir : je suis encore jeune et peut retourner à l’école, en 4ème année primaire où j’étais ou dans un centre d’éducation non formelle des affaires sociales ou bien chercher l’argent ; puis me reconvertir en autre chose (commerçant, trafiquant ou autre, soldat).
Satisfait de ce travail ? Oui, parce qu’on a quelque chose, mieux vaut ça que rien.
CAS n°5 : à Bakwa Tshimuna
Sexe : Masculin
Age : 15 ans, 6ème d’une famille de 9 enfants.
Scolarité : abandon scolaire, il y a 2 ans, je creuse le diamant depuis 2011 : au début pour payer les frais scolaires, maintenant pour aider les parents.
Parents : vivants, unis cultivateurs tous les deux. Ils encouragent le travail de leur enfant, car ils sont sérieusement secourus par les gains qui en résultent.
Habitat : une case en paille
Activités : creuser, transporter, tamiser, moi je fais tout, sauf l’exploitation sur le lit de rivière. Travail individuel ou de groupe, les autres passent nuit chez lui, dans son château qu’il a dans la cour de ses parents.
Stratégie : travail en groupe, fume le chanvre, soit l’alcool, signe des conventions.
Position : leader du groupe.
Outillage : fil nylon, barre de mines, bêches, tamis, sacs, petit seau de 10 livres en plastic…
Pénibilité du travail : le travail d’exploitation de diamants est pénible, car creuser est toujours dur, on fait face à des pierres, à la terre argileuse, parfois à l’eau qui sort du puits ou à tout cela à la fois.
Temps d’exposition : il varie selon les jours, si on trouve vite quelque chose, on ne travaille plus, pour aller vendre et profiter de l’argent qu’on a gagné. Mais, il y a des jours où nous travaillons toute la journée.
En 2011, il y avait beaucoup de difficultés, il n’y avait pas moyen de payer les frais scolaires, j’ai commencé à creuser pour payer ces frais, puis j’ai abandonné, je continue à chercher de l’argent dans le secteur du diamant.
En cas d’intempéries, des ratés, du manque d’argent : Ici chez nous, nous courons et rentrons à la maison s’il y a menace de pluie car, il faut redouter les effondrements.
Réactions : on s’en fout, on peut fumer ou prendre un peu de « super » (alcool éthylique de préparation locale) si on est mouillé.
En cas de violence : là on se bat, on lutte pour se faire respecter, ça nous arrive souvent mais on est habitué, c’est là le mode de vie des creuseurs.
Tentation de la sexualité : ce sont les filles elles-mêmes qui nous cherchent, mes amis m’y ont entraîné, c’est vrai que j’ai déjà fait cette expérience. C’est bon, mais c’est des risques…
Projet, perspectives d’avenir : gagner beaucoup d’argent et devenir un homme d’affaires à l’instar de Kebase, Petit Beyard, etc. KEBASE est un pseudonyme dérivé de MUKEBA, un diamantaire creuseur dans sa jeunesse et qui est établi à Mbujimayi avec un comptoir de diamants et un hôtel qui porte le même pseudonyme et Petit BEYARD est un fils des lieux qui a grandi à Luamuela comme enfant creuseur et qui s’est enrichi au point de compter parmi les millionnaires en dollars dans la ville de Mbujimayi et ses environs.
En cas d’échec : faire même le commerce, les champs ou aller chercher même d’être ouvrier quelque part. On va vivre comme tout le monde, c’est ça la vie…Dieu nous guidera toujours.
CAS N°6 : à Bena Kabongo
Sexe : féminin
Age : 14ans ; 2ème d’une famille de 8 enfants (5filles et 3 garçons)
Scolarité : arrêté en 5ème année primaire, il y a une année et demie par manque d’argent mais en réalité c’est parce qu’elle avait échoué pour la 2ème fois et que les parents ainsi que elle-même n’ont pas voulu forcer.
Activités : servir au restaurant de maman qui vend les haricots, du riz, voire le foufou et laver la vaisselle.
Parents : père chômeur, il était creuseur, trafiquant en faillite, puis creuseur, maintenant il ne fait rien, il tourne les pouces. Il vit grâce à ses deux femmes qui vendent près des comptoirs.
Il tourne là faisant semblant de servir d’intermédiaire ou de commissionnaire. Il passe le temps à boire et à s’enivrer.
Habitat : précaire, 2 cases en paille.
Stratégie : travailler avec la maman et attendre le mariage avec celui qui va se présenter…
Matériel : ustensiles de cuisine et de table et les couverts.
Pénibilité du travail : oui, le travail est pénible lorsque les clients sont nombreux et comme ce sont des jeunes, fumeurs de chanvre ou preneurs de « super », ils sont souvent impatients et très exigeants. Mais un tel climat dure seulement 2 à 3 heures dans la journée.
Temps d’exposition : de 7h00’ à 15heures, environ 8heures.
Cas d’intempéries : Nous sommes tout prêts de chez nous, nous restons sous le hangar ou je vais chez nous à la maison.
Nous manquons l’argent seulement quand il n’y a pas beaucoup de clients. Dans ce cas, nous mangeons nous-mêmes le reste. Parfois, on vient demander cela la nuit et on finit par rentrer dans les frais.
Violence : surtout verbale, car il y a des garçons qui sont impolis qui ont un mauvais langage quand ils ont déjà pris du chanvre ou de l’alcool. Ils manquent du respect aux adultes. Ils se battent, mais ne nous attaquent pas nous. La police les arrête, ils payent les amendes puis l’ordre revient.
Sollicitation par les garçons : ils sont toujours très impolis, courageux, ils me font des propositions mais comme je travaille avec maman, ils ne parviennent pas à me soustraire de l’activité de restaurant.
Un seul me demande la main et a fait savoir ça à ma mère, qui estime que c’est bien, mais que j’atteigne même 16 ans. La réponse de maman est bonne, s’il veut, qu’il patiente, moi je l’aime aussi.
Contente d’être dans ces milieux ? Pourquoi pas! Est-ce que ceux qui font le diamant ne sont pas des êtres humains ?
Cas N°7: à Bakwa Tshimuna
Sexe : Masculin
Age : 17ans, 8ème d’une famille de 9 enfants.
Scolarité : Abandon en 1ère année du secondaire à 14ans.
Début : j’ai commencé à faire le travail dans les mines à 11ans pour payer mes études avec l’accord de mes parents parce qu’eux n’avaient pas les moyens. Puis après, en 2011, j’ai purement et simplement arrêté. Les études et l’esprit de diamants ne marchent pas de pairs sans encadrement.
Activités : creuser le diamant dans les mines à ciel ouvert ou dans les galeries souterraines ou dans les lits de rivières lorsque la quantité et le courant d’eau diminuent pendant la saison sèche, transport, tamisage, recherche, tout…
Parents : père décédé, mère en vie (cultivatrice).
Habitat : une case en paille appelée « Palais », pour le garçon et ses amis.
Stratégie : nous sommes un groupe de 4 personnes, mais ça dépend de ce que nous faisons.
Matériel : bêche, barre à mines, sacs, tamis, cordes, seaux,…
Position au sein du groupe : Il semble être meneur du groupe d’autant plus que 3 membres sur 4 dorment ensemble, chez lui.
Pénibilité : travail très dur surtout le creusage et le transport. C’est ça le diamant. Si Dieu vous bénit, toute la peine s’évanouit en un laps de temps.
Temps d’exposition : du matin au soir, parfois même la nuit lorsqu’on est déjà sur le gravier diamantifère.
Cas d’intempéries : Nous nous abritons là où c’est possible, sinon la pluie, la chaleur, le froid c’est notre lot quotidien. C’est pourquoi les gens fument et consomment des boisons fortes, c’est pour faire face à ces situations.
Sexualité : j’ai déjà eu des relations avec des filles, plusieurs fois, souvent avec condom.
Violence : nous les garçons, nous avons l’habitude de nous provoquer, parfois par esprit de domination. Ça moi je ne tolère pas, c’est pourquoi, je me suis déjà bagarré plusieurs fois, maintenant on se respecte. C’est aussi cela qui pousse les gens à fumer du chanvre car, sans cela, on va vous malmener par les vieux, par les jeunes comme nous, voire même par la police.
Projet d’avenir : creuser le diamant, gagner de l’argent, devenir trafiquant, aller habiter Mbujimayi ou aller à Kinshasa.
En cas d’échec de ce projet : si je n’ai pas la possibilité de devenir un grand trafiquant, je peux même faire le commerce, vendre le carburant, conduire le taxi-moto, même faire les champs ; moi j’ai la force.
Satisfait ? Oui, quand la chance me sourit, on m’envie.
CAS N°8 : à Bakwa Bowa
Sexe : Féminin
Age : 15 ans, 4ème enfant du premier mariage et dernière.
Parents : Divorcés, le père s’est remarié, la mère vit avec quelqu’un d’autre avec qui elle a déjà deux enfants.
Nouveau père : creuseur
Le vrai père : creuseur
Mère : vendeuse, tenancière d’un restaurant.
Activités : aider maman à laver la vaisselle, à puiser l’eau, parfois à servir au restaurant et surtout à garder les plus petits quand elle travaille ou bien quand elle va s’approvisionner à Mbujimayi.
Travaille toujours avec maman deux fois seulement, j’ai fait le panaco, c’est-à-dire j’ai transporté le gravier jusqu’au lieu de tamisage.
Habitat : Mine de Dix Zaïre à Bakwa Bowa, « Mutanda », une hutte en pisée et en paille, au niveau de la toiture.
Matériel : la vaisselle, l’eau, le savon, bassin en plastique et seau d’eau.
Pénibilité du travail : pas de travail n’est du tout pénible, seulement le transport du gravier, voire de l’eau semble être pénible, mais le reste c’est passable.
Temps d’exposition : toute la journée mais il y a des heures où il n’y a personne, pas de clients. On se repose tranquillement.
Circonstances d’arrivée dans les mines, il y a 5 ans, maman décide de venir vendre ses marchandises ici. Avant, nous étions à Mbujimayi, elle vendait aux mines de Mbujimayi et au pont (la maman complète qu’elle a divorcé en 2004, deux ans après la disparition totale du mari parti dans les mines en aval. Dépassée par les événements, j’ai décidé de faire mon chemin…).
Cas d’intempéries, nous avons déjà 5 ans ici, nous résistons, le « mutanda » est bon, bien construit c’est pratiquement une case, on se protège, pas de problème.
Cas d’invendus : On chauffe le matin, il y a toujours des consommateurs, s’il y a perte, on recommence toujours, maman fait tout, si le restaurant souffre, elle se fait PANACO (transporteuse du gravier), son type là, lui donne aussi quelque chose quand il gagne de l’argent. On tient quand même.
Violence : Ici, les gens se battent même pour un petit problème, mais ce sont surtout les hommes, les femmes se battent rarement. Les femmes qui se battent souvent sont des prostituées qui viennent se disputer les hommes avec d’autres femmes. La police les arrête, le comité de mines les juge, elles (ils) paient les amandes et la vie continue.
Sexualité : Silence !…comment ? Silence !…oui, j’ai connu un jeune homme qui m’aimait, qui me faisait beaucoup de cadeaux, puis un jour, maman est allée à Mbujimayi, il est venu et nous nous sommes connus. Puis, il venait souvent (3 ou 4 fois comme ça) quand maman n’était pas là. Les gens ont raconté à maman ce qui s’était passé. Elle a commencé à parler menaçant de le faire arrêter, lorsqu’il a eu vent de cela, il a pris fuite. Ça fait environ 4 à 5 mois. A part lui, je ne connais pas d’autres pourtant, les hommes même les plus âgés me dérangent toujours.
Projet d’avenir : Je prie Dieu qu’il me sorte de ces lieux pour que j’arrive à me marier convenablement. Je veux être aussi chez moi, avec mes enfants, je me débrouille comme maman se débrouille ici et j’encadre mes enfants, je les envoie à l’école comme moi, je n’ai pas eu la chance d’étudier.
Comment savez-vous dessiner ? J’étais à l’école jusqu’en 3ème année primaire. Mais c’est surtout à l’école maternelle que nous avions appris à faire des dessins. A cette époque là, notre oncle maternel aidait beaucoup maman.
En cas d’échec de ce projet : c’est-à-dire si tu ne trouves pas quelqu’un qui te tire de ce milieu, que vas-tu faire ? Si, il y aura toujours quelqu’un, Dieu ne peut pas me laisser comme ça. Celles qui sont ici sont des grandes personnes, qui étaient mariées ou qui le sont encore. Mais moi, je n’ai pas encore commencé ma vie.
En plus dans les mines, les gens viennent après avoir passé un temps au foyer ou bien elles ont décidé de faire la prostitution, mais ce n’est pas mon choix.
Le prochain article concerne les candidats 9 à 13

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