Lettre d’un manifestant pacifique congolais à sa fille de trois ans

24 février 2018

Lettre d’un manifestant pacifique congolais à sa fille de trois ans

Mon enfant,

Ce dimanche 25 février 2018, je sortirais. Il se peut que je ne rentre pas comme tous les soirs, tu guetteras mon retour pour me sauter au cou et m’embrasser chaleureusement.

Je ne pars pas pour casser ni voler le bien de quiconque. Je pars simplement marcher sans armes et sans haine. Je pars marcher pour que le Congo, notre Congo, connaisse des jours meilleurs. Je pars marcher pour dire ouvertement et pacifiquement à nos frères qui tiennent le pouvoir du pays de laisser le pays aller vers des lendemains plus prometteurs. Je pars marcher pour que l’espoir vous soit permis, à toi et à ceux de ta génération. La mienne a été sacrifiée par des politiciens égoïstes, toxiques et avides d’argent, courant constamment et aveuglément derrière l’enrichissement personnel et appauvrissant le pays au passage. Ils nous ont oublié. Ils ont vendu nos espoirs au moins offrant, sacrifié notre potentiel à l’autel de leur confort. Le pays n’arrête pas de sombrer.

Je ne vais rien faire d’illégal, simplement marcher, comme la constitution m’y autorise. Mais cela n’est pas sans risque. Car, habitués aux acclamations imméritées, ils ne supportent pas la critique. Face à nos rameaux, ils préparent des mitraillettes. Aux bruits inoffensifs de nos pas, ils vont opposer des chars de combat, nos chants rencontreront le sifflement des balles.

Seulement, je refuse d’avoir peur, je refuse de reculer devant l’oppression, je refuse de cautionner la prédation d’État. Sinon, comment pourrais-je te regarder en face quand tu seras grande et te dire que je n’ai pas eu le courage de lutter pour ton avenir et celui de tous les enfants du Congo ?

C’est pour toi, c’est pour eux que j’ai décidé de sortir. Si je ne rentre pas, sache que je ne t’ai pas abandonnée. J’ai simplement refusé de courber l’échine. Pour ma patrie et pour toi, mon enfant, je suis prêt à donner ma vie.

Ton papa qui t’aime.

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