28 avril 2015

L’Eglise et la politique en RDC

Eglise pour la patrie, pour la foi, pour l’avoir ou pour la gloire ?


L’Eglise joue un rôle prépondérant dans les Etats, elle sert de repère pour le pouvoir, un outil de cadrage, mais elle est souvent critiquée pour son immixtion exagérée dans les affaires politiques. Le foisonnement d’églises en RDC prend, de plus en plus, des allures inquiétantes. C’est devenu un véritable phénomène de société.

Presque toutes les grandes agglomérations de la RDC vivent cette réalité. Des maisons de prières poussent de partout sans que l’on sache trop si elles se conforment aux écritures saintes.

En République démocratique du Congo, c’est dans les années 1990 que le pays a connu une sorte de boum ecclésiastique. L’Eglise catholique majoritaire et influente à l’échelle internationale était devenue gênante pour le pouvoir en place. Dans ce contexte, les églises dites de guérison (église de réveil), qui évoluaient encore dans l’ombre, obtiennent alors les autorisations de fonctionner.

Un des traits communs de ces nouveaux ministères est qu’ils ont été fondés et se sont développés dans les villes, à l’initiative d’individus plutôt jeunes et appartenant à des milieux sociaux relativement aisés. Leurs leaders pasteurs, prophètes, apôtres, évangélistes et autres, aux talents oratoires, certains, sont bien souvent issus des élites urbaines instruites (étudiants, enseignants du supérieur, fonctionnaires, cadres). La plupart appartiennent à la génération des « déçus » de l’après-indépendance, qui ont souffert des promesses de développement non tenues et de la faillite des stratégies classiques d’accumulation et d’ascension sociale.
Pour cette génération en porte-à-faux entre deux mondes, l’occidental et le traditionnel, l’affiliation à ces mouvements leur permet d’atténuer en partie leur « échec social ». En devenant pasteurs, ils deviennent « quelqu’un ». Au Congo, devient pasteur qui veut. Question de se faire imposer des mains par des « aînés dans la foi » même s’ils sont eux-mêmes douteux.

On est frappé d’ailleurs par la facilité avec laquelle les animateurs de ces ministères se déclarent « pasteurs ». Une simple « révélation », et le tour serait joué ! La majorité de ces églises ont un impact local et social incontestable, certaines d’entre elles ont des chaînes de radiotélévision recueillant des audiences de plus en plus importantes.

Scène de campagne d'évangélisation en plein air.
Scène de campagne d’évangélisation en plein air.

Quelque 10 000 églises

A Kinshasa, la capitale du Congo démocratique qui abrite entre 6 à 7 millions d’habitants, on estime leur nombre à 10 000. Des données toutefois difficiles à établir, certaines églises n’ayant jamais déposé de demande de reconnaissance. Leurs déménagements, disparitions, changements de dénomination, scissions, sont fréquentes, ce qui rend le paysage religieux « évangélique » extrêmement mouvant.

Les pasteurs les plus connus sont à la tête de véritables entreprises et jouissent, de par leur popularité, d’un réel pouvoir. Le monde politique, désireux de s’attirer les faveurs des électeurs, courtise alors ces pasteurs, dont le soutien constitue une garantie électorale.

Quant aux adeptes, ces « chrétiens nés de nouveau » par le baptême de l’esprit, ils adhèrent à ces églises pour diverses raisons. Pour retrouver de nouvelles formes de solidarité et de sociabilité dans un monde urbain difficile et dans un environnement socio-économique en pleine déconfiture, voire pour se refaire une « nouvelle virginité », après des années de vie de « patachon ».

Le désir de se trouver une nouvelle « famille » n’est toutefois pas la seule motivation. On se rend,  en effet, dans ces églises pour rechercher la solution à des problèmes matériels : argent, santé, travail, amour, enfants, etc. Laquelle solution passe par la recherche de nouvelles façons d’être et de vivre, qui, elles, devraient permettre de résoudre ces problèmes, dixit le pasteur !

Quant aux lieux de prière pas de souci à se faire, maisons inachevées, anciens dépôts des marchandises et bars, hangars construits de fortune servent d’abris à ces « chercheurs de la vie éternelle ». Dieu n’habite-t-il pas dans les cœurs des hommes et non dans des maisons construites de leurs mains ? Une certaine connaissance de la Parole, la verve oratoire, des tambours et quelques chantres suffisent pour démarrer cette affaire même en dessous d’un arbre.

On est frappé également par la place importante occupée par la sorcellerie dans ces courants religieux.

Des miracles invraisemblables

Ces églises fonctionnent en effet et élargissent leur assise populaire en « délivrant, exorcisant ou guérissant » par la prière. C’est l’aspect le plus connu de leur action. Ainsi on y parle en permanence d’envoûtements et de sorcellerie et on y pratique en pagaille cures d’âmes et cérémonies de « désenvoûtement ». Du coup, tout fidèle peut être suspecté de sorcellerie. Si tel est le cas, il sera délivré bien sûr par son pasteur. Car, en général, c’est lui qui est habilité à détecter le « mal » et à délivrer celui qui en est touché ! Au Congo démocratique, de plus en plus, ce sont les enfants qui sont accusés de sorcellerie et donc maltraités.

Scène de délivrance lors d'une séance de campagne des prières.
Scène de délivrance lors d’une séance de campagne des prières.

En RDC, un pays en crise multiforme où ses machines sociales devraient jouer un rôle primordial, ces églises sont cependant des lieux de vente d’espoir caractérisés par des miracles les plus invraisemblables, des guérisons de toute sorte, notamment de maladies relevant généralement du domaine mental. Ces églises proposent donc un espoir d’amélioration soudaine des conditions de vie.

Les thèmes favoris auprès des fidèles ont toujours été : « La prospérité, la liberté, l’enrichissement, la guérison ou la délivrance. » Rares sont les thèmes à caractère civique pour l’éveil patriotique des fidèles.

Autre fait, ces églises sont financées par les dons des fidèles à titre de gratitude à l’égard des pasteurs dont le train de vie luxueux se fait  au détriment des pauvres fidèles, un véritable paradoxe.

Scène de récolte lors de la campagne d'évangélisation.
Scène de récolte lors de la campagne d’évangélisation.

A quelles fins ? En tout cas, si ces églises « éveillent » leurs adeptes à une nouvelle spiritualité cela reste à prouver, ce qui est sûr, c’est qu’elles maintiennent leurs ouailles dans une forme de fatalité. En revanche, certains réussissent à accéder à des fonctions politiques. Propulsés par une popularité acquise grâce à la taille et au nombre des fidèles dans leur église, ils combinent ainsi le sacerdoce et la politique. Alors églises de réveil ou d’endormissement ? Eglises pour la patrie, pour la foi, pour l’avoir ou pour la gloire? On peut se poser la question.

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